Le bal des monstres

Complètement hasardeux, le cœur de Nayla s’affole par moment, puis manque quelques battements, au point où la jeune fille commence à se demander si elle ne devrait pas passer la soirée à l’infirmerie plutôt qu’au bal. Tout cela était trop pour ses nerfs. Quelle était cette tension, cette espèce de compétition malsaine même, qu’elle sentait entre Lucina et Deryn? La Serdaigle était aussi son amie, du coup, la Poufsouffle se sentait bêtement prise entre deux feux et ne savait comment réagir. Figée, elle écouta les échanges en rougissant, restant béate et silencieuse alors que Slughorn affirmait qu’elle était sa cavalière. L’impression que plusieurs choses lui échappaient et qu’elle avait manqué des informations concernant Cheyenne était plutôt forte, mais comme celle-ci n’était pas vraiment une proche, Drew décida de se mêler de ses affaires.

Surprise, Nayla se laissa prendre par le bras en dévisageant sa petite amie. Voulait-elle vraiment exhiber leur relation, là, maintenant, devant tout le monde? Son compliment lui allant droit au cœur n’aida pas à la régularité des battements de celui-ci, et l’adolescente mis un moment à réussir à retrouver sa langue pour répondre, tant elle était confuse et… un peu touchée par l’évidence que Deryn déployait pour s’assurer que Lucina comprenne qu’elles étaient vraiment « ensemble ».

-M… merci, vraiment, Deryn… bredouilla-t-elle aussi maladroitement que si elle avait été face à un garçon, rougissant vivement. Ça me touche, pour de vrai, que tu l’aimes, je craignais que tu trouves que c’est… « trop »?

De leurs côtés, Lucina et Cheyenne s’étaient aussi échangées ce qui ressemblait à des mots doux aux oreilles peu attentives de Nayla, laquelle essayait un peu de les ignorer pour ne pas s’embarrasser davantage. Et parce qu’elle n’était pas du genre à vouloir se mêler des histoires des autres, même si ça concernait une amie. Toutefois, son attention fut nécessairement reportée vers Tallin lorsqu’elle utilisa le terme « petite-amie » en référence à elle-même alors qu’elle s’adressait à Deryn. Si Drew avait pu disparaître sous terre, elle l’aurait fait à cet instant. Abbott vint à son secours sans le savoir en proposant à sa co-vampire d’aller danser, permettant enfin à la Poufsouffle de se remettre à respirer alors qu’elle se retrouvait seule à seule avec Slughorn.

-Tu… tu veux vraiment que tout le monde le saches, Deryn? chuchota Nayla en évitant le regard de celle-ci. Je m’étais dis que… enfin je pensais… je suis rien qu’une née-moldue moi alors… Je ne t’embarrasse pas?

Par Merlin ! Lucina est tellement parfaite que j’ai peur de ne pas être à la hauteur… Deryn et Nayla sont mignonnes ensemble, oui je crois que mon cœur s’est adoucit depuis que je suis avec ma Lucina. Avant, c’était comme si j’étais entourée d’un mur de glace, à la manière des princesses déchues qui auraient été abusées par de quelconques faux princes charmants. Je n’avais jamais ressenti un tel changement s’opérer en moi. Je suis plus ouverte qu’avant, moins raide ou abrupte dans mes paroles. J’exprime un peu plus les sentiments, les émotions qui s’abritent au fond de mon cœur. L’amour fait des miracles. Je souris à Lucina en rougissant et prends sa main pour une jolie danse. Ma tête se cale sur son épaule et je ferme les yeux.

Le monde disparait petit à petit autour de nous. Douceur, amour, tendresse… Lucina et moi, la Grande Salle n’est plus. Je suis dans un doux rêve et je n’ai pas envie de me réveiller.

- Je t’aime…

Les mots sont sortis naturellement et sans pression. Quand ai-je dit ces mots pour la dernière fois ? Je devais avoir dix ans et c’était à ma mère au creux de son oreille. Un secret entre elle et moi. Un trésor qu’on protège d’une main d’acier. Je veux protéger Lucina. Je veux protéger ce lien tendre entre nous et le voir grandir encore et encore. Est-ce vraiment possible… ?

Le bal des monstres

Jouant le jeu idiot de Lionel, leur professeur de vol prend appui sur lui comme s’il était réellement rien de plus qu’une statut, complimentant au passage Roxanne sur sa beauté en lui assurant qu’elle n’aurait aucun mal à remplacer son Hercule figé dans le roc. Enfin, presque figé, puisqu’il avait quand même essayé de parler, comme s’il oubliait qu’il devait être transformé en pierre, mais n’avait pas complété sa phrase. Elle était quoi au juste? Probablement qu’elle l’ignorerait toujours, puisqu’Hiroshi avait passé sa tête au-dessus de son épaule en prétendant qu’il voulait bien prendre le rôle de cavalier laissé libre par Blake. Ayant soudainement beaucoup trop chaud entre le bras possessif de son cavalier posé sur sa taille et la proximité du gardien de leur équipe, Weasley commençait à prier qu’elle avait assez appliqué de maquillage sur ses taches de rousseurs pour qu’on ne voit pas aussi la rougeur sur son visage.

Entre temps, les adultes les avaient tous quittés, non sans un avertissement destiné exclusivement à Roxanne de la part d’Abbygaël à ne pas faire trop de bêtises. L’étudiante souris au travers sa gêne évidente (les garçons n’allaient quand même pas dueller pour de vrai afin de l’avoir à son bras, si?) malgré tout, feignant une petite mine d’ange, même si ses cornes étaient bien connues de tout le personnel de Poudlard.

-Moi? Comment pouvez-vous croire que j’oserais faire une chose pareille? s’indigna-t-elle malgré tout avec le plus beau jeu d’actrice qu’elle pouvait se permettre dans la situation, écoutant seulement d’une oreille distraite les propos échangés par Hiroshi et Lionel au sujet de la sœur de Huang. Jusqu’à ce qu’il soit question de Logan, du moins. Ah, parce qu’ils sont ensemble ces deux-là? Ça va être marrant sur le terrain de Quidditch, quand ils devront s’affronter!

Oui, elle ne pensait toujours qu’à ça, c’était évident pour n’importe qui la connaissant, même en pleine fête d’Halloween, même terriblement embarrassée comme elle l’était présentement, il y avait toujours une place dans sa tête pour le sport.

-Et qu’est-ce que t’as contre les costumes assortis, de toute manière? T’es juste jaloux de pas y avoir pensé, Huang, c’est très cool tu sauras. Regardes, on n’est pas les seuls à y avoir pensé de toute façon! signala-t-elle en pointant du doigt le couple de vampires formé par sa petite Padawan Lucina et une autre cinquième qu’elle ne connaissait pas.

Bon, en vrai, Roxanne avait toujours trouvé les couples qui faisaient ce genre de trucs un peu puérils, voir complètement enfantins. Mais parce que c’était l’idée de Lionel, ça ne lui semblait plus stupide, allez savoir pourquoi.

Hilare, Hiroshi les laissa finalement tranquille, après tout, il avait un cavalier, même s’il avait essayé de piquer Roxanne à Lionel, et ce dernier ne tarda pas à profiter de l’occasion qu’ils soient seuls pour conclure sa phrase commencée plus tôt. Cette fois-ci, il ne fit aucun doute dans l’esprit de Weasley que son maquillage ne pouvait pas suffire à camoufler la rougeur qu’elle sentait naître sur ses joues, surtout qu’en affirmant cela, Blake ne l’avait toujours pas lâchée et leur proximité nouvelle n’avait rien pour l’aider à se détendre. D’ailleurs, elle maudit intérieurement le fichu sourire qu’elle n’avait pas pu retenir et dont elle se doutait qu’il devait avoir cet air complètement niais qui l’exaspérait de voir sur les petits couples ridicules de l’école. Et putain, ils n’étaient pas un couple quand même, qu’est-ce qui lui prenait de s’embarrasser comme ça juste pour un compliment?

-M… merci… répondit-elle simplement en cherchant un peu son assurance dans un raclement de gorge. Mais j’ai accepté d’être ta cavalière seulement parce que je voulais voir si tu savais un peu bouger autrement que sur un balais, alors on ne va pas faire « les statues » toute la soirée ici, non? ajouta-t-elle d’un air malicieux qui lui permettait enfin de retrouver un peu d’aplomb. Alors amène moi donc danser! Avant que j’acceptes la proposition de Huang sur le tard…

Bien sûr, la menace sous-entendue n’était rien d’autre que cela : une menace en l’air. Elle n’avait aucun intérêt à retrouver Hiroshi, bien au contraire. Maintenant, il ne lui resterait qu'à espérer que ses jambes n'étaient pas trop en guimauves et qu'elle saurait tenir sur la piste. Ça serait trop la honte si elle devait s'empêtrer dans ses pieds et trébucher sur quelqu'un, après tout...

Le bal des monstres

Nayla ne voyait plus rien d’autre que Deryn, le reste avait arrêté d’existé, la dualité avec Lucina était oubliée. Il y avait le bal, de la musique, une ambiance géniale, il fallait oublier les soucis. D’ailleurs, Slughorn avait l’air bien décidé à mettre toute anxiété de côté, car après l’avoir rassurée sur le fait qu’elle était très mignonne et que sa robe n’était pas trop pour elle, elle lui répliqua avec une certaine vigueur que si quelqu’un trouvait à redire sur leur relation, elle lui règlerait son cas à la façon des sangs purs. À cet instant, Drew ne savait pas si elle devait être inquiète d’un possible excès de comportement de la part de sa copine (ce qui n’était pas son genre, elle était quand même préfète!) ou soulagée qu’elle la défendrait peu importe ce qui se passerait. Son statut de sang n’avait donc plus d’importance maintenant? Voilà qui lui enlevait un sacré poids de sur les épaules. La gorge nouée et les yeux un peu humide, la Poufsouffle n’eut pas la force de parler, mais elle espérait que son sourire trahissait toute la reconnaissance qu’elle avait pour la belle Serpentard aux cheveux verts.

Son cœur manqua un battement, puis s’affola ridiculement comme pour se rattraper de sa faiblesse, lorsque Deryn l’a pris dans ses bras pour l’embrasser sans gêne, sans blocage, sans inquiétude. Toute les larmes que Nayla avait retenues depuis quelques instants furent ravalées pour disparaître complètement. Elles n’allaient pas couler ce soir, car tout irait bien, tant qu’elles étaient ensemble. Les longues secondes qui s’écoulèrent lentement avant que leurs lèvres ne se séparent suffirent à lui redonner le courage, et c’est avec un grand sourire, qui pouvait illuminer toute la grande salle tant il était radieux, que Drew suivit Slughorn sur la piste de danse. Puis éclata de rire à son propos, ses grands yeux verts brillants non plus de larmes, mais de plaisir.

-Toi, m’embarrasser? Jamais de la vie. Par contre, tu m’embrasse comme ça encore autant que tu veux, et surtout pas en t’excusant.

Il y avait plusieurs personnes sur la piste de danse, mais Nayla ne voyait que Deryn. Trottinant à sa suite pour rejoindre un coin libre de l’espace désigné pour danser, la maladroite adolescente était tellement obnubilée par sa cavalière qu’elle en négligeait où elle marchait. Bien vite, elle se cogna contre une des tables pleines de nourritures et fit tomber deux assiettes placées trop près du bord de celle-ci. Ne pouvant freiner son pas rapide, Drew marcha carrément dans cette drôle de gelée (probablement à la fraise) à laquelle on avait donné l’apparence d’un cerveau.

-Oups… oh non! Zut zut je suis désolée… bredouillait timidement la Poufsouffle, intimidée à la seule idée qu’on les remarque et qu’elle fiche la honte à se Serpentard préférée.

Trop embarrassée par son incident pour même songer à tout nettoyer avec sa baguette, la née-moldue agitait sa chaussure comme pour espérer y déloger les traces de gelée, et s’apprêtait à se pencher pour tout ramasser à la main. Comme si, l’espace d’un instant, elle avait oublié qu’elle était une sorcière et que la magie existait. Parce que ce soir, en dehors de la magie de l’amour, il ne lui semblait plus que rien n’existait.

Le bal des monstres

Penchée pour ramasser un peu son désordre gélatineux, les chaussures encore souillées de fausse cervelle, Nayla vit le dégât disparaître magiquement sous ses yeux ébahis. Comme si elle avait oublié qu’un Récurvite était si simple à réaliser, qu’elle l’avait déjà fait, qu’elle le maîtrisait, que sa baguette était cachée dans une poche secrète de sa robe. Deryn, elle, s’était visiblement souvenue qu’elle était une sorcière et avait réglé rapidement et parfaitement la grosse bévue de sa cavalière sans la moindre hésitation. Puis, elle l’avait regardée d’un air intrigué, en lui disant qu’elle avait « l’air ailleurs », embarrassant davantage Drew. Parce qu’elle se rendait bien compte que son attitude avait été stupide, maintenant, bien que c’était trop tard pour se reprendre.

-C’est ta faute… marmonna-t-elle en forçant un sourire pour masquer sa honte en se redressant lentement. C’est l’effet que tu me fais quand tu m’embrasse, tu me fais perdre la tête, qu’est-ce que j’y peux? Je deviens maladroite et stupide, mais j’ai envie que tu m’embrasse encore, est-ce que c’est un signe de folie?

La nervosité la gagnant la faisait trop parler, certes, mais ce qui était marrant là-dedans, c’était que Deryn avait généralement le même genre de réaction lorsqu’elle devenait stressée. Sauf que non, elle n’avait pas envie de s’asseoir, même si elle était la plus maladroite de la salle actuellement et qu’elle risquait de marcher sur plusieurs paires de pieds.

-Tu es bien trop jolie quand tu danses pour que j’aie envie d’arrêter tout de suite. Alors retournons plutôt danser, s’il-te-plait! De toute façon, si je m’assois, je vais te manger... Heu, je voulais dire, je vais manger. Je ne pourrai pas m’en empêcher, se corrigea-t-elle en réalisant le sens complètement déplacé de son lapsus.

Car malgré l’air ragoûtant de certains plats, le buffet attirait inexorablement sa Poufsouffle intérieur.