Parler météo
Oui, elles étaient observées, et oui, ça avait un petit quelque chose de très embarrassant. Mais plutôt que l’anxiété que cela aurait dû lui causer, c’étaient des papillons qui chamboulaient à cet instant l’estomac de Sheireen. Il n’y avait pas grands choses dans l’univers qui lui faisait plus plaisir que de passer un moment seule avec Hannah, si court fut-il.
Sauf peut-être recevoir un livre neuf, mais ceci est incomparable, bien entendu.
Milligan réplique, amusée, qu’elle n’avait rien d’autre à l’esprit que de changer la robe de Lestrange, et traita celle-ci de petite coquine pour y avoir seulement songé. La bibliothécaire s’empourpre violement et songe à lui préciser que l’idée venait plutôt des regards curieux qu’on lui avait lancés alors qu’elles quittaient la Grande Salle, mais… elle se tut. Parce que c’était un petit peu un mensonge, quand même. Elle était
très capable de penser à
cela toute seule, ces derniers temps. De toute façon, Hannah l’ayant attirée vers elle pour poser un baiser sur sa tempe, Sheireen perdit momentanément le fil de ses pensées. Pensées qui furent menées, malgré sa volonté, dans une salle de toilettes d’un pub populaire où s’était produit d’innommables délices.
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Hannah! souffla Sheireen d’un air faussement offensé en regardant autour d’elles, prétendant vouloir s’assurer que nul ne pouvait les entendre, mais réellement pour cacher la rougeur de ses joues, puisqu’elle savait très bien que la voix de son amoureuse c’était faite suffisamment basse pour qu’elle seule puisse comprendre ce qu’elle disait.
Rentrer dans l’infirmerie avait mis un terme à l’échange lubrique, puisque Milligan était partie chercher sa robe de rechange alors que Lestrange l’attendait à l’entrée, s’appuyant sur un lit vide de façon qu’elle voulait nonchalante, après s’être libérée de son imposant couvre-chef. L’infirmière revint assez rapidement en portant une housse, avant d’en dévoiler son contenu, un vêtement plus classique qui plaisait davantage à la bibliothécaire, laquelle ne put retenir un soupir de soulagement en pensant qu’elle serait bientôt libérée de sa « marrée dorée », comme se plaisait à l’appeler Hannah. Certes, le pourpre n’était pas particulièrement sa couleur, contrairement au bleu, mais c’était toujours mieux que tu doré, bien trop tape à l’œil pour une femme aussi discrète qu’elle.
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C’est juste… parfait. Tu es une véritable héroïne ce soir, Hannah, souffla Sheireen en admirant davantage la silhouette délicieuse de son amie de cœur alors que celle tournait sur elle-même, plutôt que la robe qu’elle était censée observer.
Innarrêtable, Milligan lui fit tenir la robe le temps de trouver un petit boitier contenant un ensemble de collier et boucles d’oreilles, qu’elle lui offrit également de lui prêter puisqu’il s’assortissait plutôt bien avec le style du vêtement. Apparement, lesdits bijoux lui provenaient de sa grand-mère, ce qui rendit Lestrange un peu inconfortable, ne voulant pas s’emparer, même pour un soir, d’un héritage familial. Après tout, et si elle l’endommageait, ou pire, le perdait, par une de ses innombrables bévues? Un peu étourdie par les intarissables paroles de l’infirmière, la bibliothécaire n’avait pu glisser mot avant cet instant où Hannah s’empara de ses lèvres, après lui avoir affirmé que si elle la trouvait époustouflante dans sa robe actuelle, elle la préférait quand elle souriait franchement.
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Tu… tu es certaine que ça ne t’embête pas?... murmura-t-elle pour la forme dès qu’elle en eut l’occasion, les yeux toujours clos suite à son baiser avec Hannah, comme si elle en attendait (ou en espérait…) un autre.
Lestrange savait déjà que Milligan balaierait du revers de la main toute tentative de protestation ou d’évitement, mais comme elle restait la définition même de l’hésitation, elle ne pouvait s’empêcher une petite tentative de fuite. Sauf que c’était sans compter sur le fait que l’infirmière agitait déjà sa baguette pour verrouiller la porte derrière elles, affirmant qu’elle ne voudrait certainement pas être surprise nue dans l’infirmerie. Enfin, ce n’était pas ces mots exacts, mais…
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Tu n’as toujours pas la moindre pensée lubrique, alors? ne peut-elle s’empêcher de glousser puisque Hannah s’était si généreusement offerte pour l’aider avec son changement de tenue.
Je trouve que ça ressemble drôlement à une aventure aux Trois Balais, toute cette histoire… confort en prime… chuchota-t-elle à nouveau en tapotant le lit sur lequel elle s’était appuyée plus tôt, mais laissant son amoureuse se glisser dans son dos sans protester.
Les épaules de la bibliothécaire tressautent légèrement du fou rire qu’elle tente d’étouffer. Elle avait attaché magiquement sa robe un peu plus tôt, et aurait utilisé la même méthode pour s’en défaire, mais elle n’allait certainement pas se priver du plaisir de laisser la tâche à son infirmière préférée, surtout si celle-ci le lui offrait si généreusement. À l’exclamation de celle-ci du fait que le vêtement semblait serré, Sheireen secoua la tête, mais son rire paru dans sa voix lorsqu’elle répondit.
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Pas du tout, je crois même que je ne l’avais pas assez serrée, puisqu’elle passait son temps à descendre de façon… enfin, tu l’as remarqué quoi. Mais oui, maman a dû la porter du temps où elle assistait à ces innombrables et ennuyants bals de sorciers en France, et dans toute l’Europe, quand j’y penses… Elle a toujours apprécié plus que moi d’être le centre d’attention, à mon plus grand dam, bien sûr. Je sais que j’ai l’air de me plaindre tout en ayant une cuillère d’argent dans la bouche, mais être une Lestrange m’a toujours semblé un si lourd poids à porter… pire que cette fichue robe! soupira-t-elle dans un soulagement évident alors que ledit poids du vêtement s’écroulait au sol grâce aux bons soins d’Hannah, dont les doigts délicats avaient glissés si merveilleusement dans son dos.
Merci...Comme d’habitude obsédée par les « qu’en dira-t-on? », la bibliothécaire eut une petite pensée gênée en sachant très bien que ceux qui la verraient revenir accoutrée différemment allaient se faire de drôles d’idées. Après tout, elle n’avait pas manqué de se faire remarquer dans la Grande Salle tout à l’heure, l’absence de sa robe d’or n’allait donc pas passer inaperçue. Toutes sortes de scénarios allaient certainement croître dans les esprits les plus lubriques. Mais au fond, que pouvait-elle vraiment y faire?
Bien qu’uniquement couverte par ses sous-vêtements (quelle avait joliment assortis, par un heureux hasard) ce ne fut pas cette presque nudité qui l’a fit rougir, mais les scénarios qui naissaient dans sa tête. Elle n’avait pas plus hâte que ça de retourner au bal, les événements mondains l’horripilaient, mais le préciser maintenant, ainsi accoutrée, ne ferait qu’encourager Hannah dans sa conviction que sa copine était une dévergondée.
Ce qui devenait de plus en plus vrai depuis que la jolie infirmière était dans sa vie, mais voilà une précision qu’elle ne s’avouait même pas à elle-même.
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Je n’ai jamais compris la fascination des sorciers européens pour les bals, c’est tellement dépassé, ça fait trop période de renaissance à mon goût. Un bel après-midi de lecture sous le soleil pour célébrer la fin de l’année scolaire serait plus joyeux, non? Quoi que ce ne sont pas les « après-midi sous le soleil » qui nous étouffent en Grande-Bretagne, maintenant que j’y penses…Ouaip, elle en était à parler de météorologie, ça c’était du Sheireen tout craché, quand elle devenait nerveuse et tentait de masquer ce à quoi elle pensait vraiment, il lui fallait débiter des âneries. L’air frais de l’infirmerie fit se dresser de la chair de poule sur ses bras, qu’elle frotta distraitement avant de s’emparer de la robe prêtée par Hannah. Le plus vite elle serait revêtue, plus vite elles retournaient au bal et la bibliothécaire cesserait enfin de se faire des histoires embarrassantes.