Des cappuccinos et des livres : la belle vie quoi! [PV SHEIREEN]

Ce qu’elle détestait lorsqu’elle faisait ça! Et pourtant, à chaque fois qu’elle devait rencontrer quelqu’un quelque part, c’était immanquable, elle s’y reprenait de la même façon : elle arrivait en avance. Mais pas dans le genre « ponctuelle bien placée », plutôt dans le genre « j’ai paniqué et j’ai eu peur de tomber sur DU TRAFFIC DE PIÉTONS alors je suis partie UNE DEMIE HEURE d’avance »…

Donc voilà, Sheireen poireautait comme une idiote devant la boutique de friandises de Pré-au-Lard, se demandant quand elle allait apprendre à arriver juste à l’heure et non ridiculement tôt, au point qu’elle faisait toujours sentir ses rencontres coupables de l’avoir fait attendre, bien que c’était sa faute. Dans le petit matin un peu frais et grisâtre de cette mi-mai, la bibliothécaire décida de tuer le temps en allant se chercher une boisson chaude. Et puis, elle en prendrait une pour Hannah aussi, même si à tous les coups celle-ci en aurait déjà bu au moins un, vu son apparente affection pour le café, ça ne pouvait que lui faire plaisir de s’en faire offrir un, pas vrai?

Enfin, toutes les raisons étaient bonnes pour ne pas rester seule comme une idiote sur le trottoir. Prenant la direction de chez Madame Pieddodu, Lestrange songea qu’en plus, elle ne serait heureusement de retour que quelques brèves minutes avant dix heures, ce qui était plus convenable (et lui donnerait moins l’air désespérée de la femme qui n’a aucune vie, mais détail!) Certes, le Salon de Thé n’était pas spécialisé en café, bien qu’il en offrait, mais Sheireen avait toujours préféré leur cappuccino à celui des Trois Balais, et puis c’était moins loin, moins bondé de gens le matin, et… ce serait le comble que la file d’attente aux Trois Balais la fassent arriver en retard après tout ça! D’ailleurs, parlant de cappuccino… se souvenait-elle d’avoir entendu Hannah lui dire qu’elle les adorait, ou est-ce qu’elle avait rêvé ça?

Pas qu’elle avait rêvé à Hannah, non non! Pas du tout! …

Dans le doute, la bibliothécaire perdit de précieuses minutes à tergiverser entre un café crème ou un second cappuccino, et opta finalement pour ce dernier, trouvant de toute façon que le café régulier de Pieddodu manquait de force, contrairement à son délectable expresso-lait-moussant.

Lorsqu’elle revint vers Honeydukes les mains pleines de deux tasses chaudes et un petit sac brun contenant une collation sucrée en équilibre précaire sur celles-ci, Lestrange constate que Hannah l’attend, assise sur le trottoir, à côté de la poussette de Daphnee, laquelle ne semble pas de la plus belle humeur ce matin-là. Sheireen sourit, attendrie, et presse (juste un peu) le pas pour rejoindre le duo mère-fille.

-Je ne t'ai pas fait attendre j’espère? s’inquiète-t-elle quand même un peu, bien que l’heure de son départ de chez Pieddodu lui avait assurée qu’elle arriverait avant dix heures.

Hannah lui assura qu’elle était simplement d’avance, ce qui ne manquait pas de rassurer Sheireen… et de lui plaire beaucoup, elle qui détestait le manque de ponctualité. Puis, l’infirmière s’excusa de l’air bougon de sa fille, mais alors que la bibliothécaire posa son regard sur celle-ci, la gamine semblait déjà changer son humeur, rien que pour elle. Est-ce vrai que les enfants ont des comportements différents en présence d’autres personnes que leurs parents? Ça allait certainement bientôt se confirmer…

-Quelle mauvaise humeur? s’étonne-t-elle en faisant une grimace à la gamine, ce qui fait sourire celle-ci de façon amusante.

Un petit frisson lui parcourut l’échine quand Hannah lui baisa légèrement la joue, mais Sheireen décida de mettre cela sur le compte de la petite fraîcheur du matin, de même que la rougeur évidente de ses joues. Puis, elle lui tendit la seconde tasse, ce qui sembla combler de bonheur l’infirmière, comme si celle-ci n’avait pas eu le temps déjà d’enfiler au moins trois tasses… Enfin, ce n’était pas impossible compte tenu qu’elle avait une petite Terrible Two ce jour-là, apparemment!

-Oh, mais non, n’exagère pas… bredouille-t-elle un peu en se faisant qualifier de « parfaite », j’avais envie d’un cappuccino, et j’ai pensé que tu en apprécierais un toi aussi…

Ce qui n’avait pas été une erreur, visiblement, la beauté violette semblait se délecter de sa gorgée de cappuccino, avant de demander à Sheireen si elle lui avait déjà mentionné qu’il s’agissait de ses préférés. La jeune femme haussa les épaules, n’osant avouer qu’elle n’en était pas certaine. À vrai dire, elle lui avait simplement pris la même chose qu’elle, mais maintenant que Hannah le lui disait, ce n’était pas impossible non plus que celle-ci l’est mentionné dans le passé et que ça soit resté à la limite de son subconscient.

Milligan s’enquit ensuite de la soirée de Lestrange, et lui demanda si elle avait trouvé l’heure de leur rendez-vous trop tôt. La bibliothécaire se mordit la lèvre pour ne pas rire, parce que malgré plusieurs jours à se rencontrer sporadiquement, elles ne se connaissaient encore que très légèrement, visiblement. Sheireen avait des habitudes très lève-tôt, pour ne pas dire parfois insomniaque… Et pourtant, elle se couchait toujours tard à cause de l’heure de fermeture de la bibliothèque. C’était encore étonnant qu’elle n’ait pas des poches énormes sous les yeux.

-Pas du tout, ne t’inquiète pas pour moi! En fait… non, pour être bien honnête, j’étais même arrivée beaucoup trop en avance. Comme… Toujours. Heu… alors j’ai passé le temps comme je le pouvais, précisa-t-elle en désignant son cappuccino avec un haussement d’épaules qui se voulait désinvolte mais qui était plus tendu que prévu. Alors, par quelle course tu veux commencer? s’empresse-t-elle de détourner la conversation pour ne pas avoir à parler d’elle-même. Je sais déjà ce que je veux te montrer à la Librairie, mais avec ce temps incertain, il vaudrait mieux que ce soit notre dernier arrêt, je n’aimerais pas que tes achats soient gâchés par la pluie… fait-elle en levant le nez vers le ciel à l'allure encore plus morose que la matinée d'Hannah et Daphnee…

Et cachant que ses recherches à savoir ce qu’elle pourrait bien suggérer comme bouquins pour renflouer la bibliothèque de la petite était justement ce qui avait pris toute sa soirée de la veille… Parce qu’après avoir passé sa journée entourée de livres, elle ne pouvait pas faire autrement que passer son temps libre à se renseigner sur d’autres livres!

Codage par Libella sur Graphiorum

Le shopping n’était pas particulièrement l’activité favorite de Sheireen. Pas qu’elle l’avait en horreur, seulement que ce n’était pas ce à quoi elle aimait passer le temps. Rien d’étonnant pour une presque ermite comme elle. Et puis, elle avait cette habitude de se contenter de peu : ses vêtements étaient généralement « ordinaires », elle ne portait pas ou peu de bijoux, ni de maquillage… bref, elle n’était pas du genre à avoir vraiment besoin d’acheter quoi que ce soit en dehors de l’essentiel. Ça allait certainement changer à force de fréquenter Hannah!

-Ou la crème fouettée sur le cappuccino… souffla Lestrange, l’ombre d’un sourire aux lèvres alors qu’elle prenait une gorgée de son délicieux breuvage. Va pour Gaichiffon alors, acquiesça-t-elle en marchant aux côtés de Milligan sur le trottoir, derrière la poussette, dans laquelle Daphnee ne cessait de se tortiller pour pouvoir la regarder…

Non. Regarder le petit sac qu’elle avait toujours à la main, en fait. Déjà capable de distinguer une sucrerie à cet âge? Sheireen gloussa en se disant qu’elle lui en tendrait un morceau à leur premier arrêt, ce n’était pas idéal, là, maintenant, alors qu’elle marchait avec sa tasse à la main. Hannah détourna son attention de la gamine en lui demandant ce qu’il y avait comme vêtement chez Gaichiffon, s’intéressant à s’offrir des vêtements d’été non sorcier. Pas particulièrement à la recherche de rencontres actuellement, la bibliothécaire ne fit pas mine de s’intéresser à s’acheter quoi que ce soit pour elle-même, répondant simplement à la question de son amie.

-Oh, il y a surtout des robes de sorciers et sorcières, mais il y a quand même un choix raisonnable en vêtements moldus. Je ne suis pas très friande de ce qu’on y trouve comme mode actuellement, bien honnêtement, trop pimpant pour moi, mais qui sait, je n’y ai pas mis les pieds depuis un moment, ça peut avoir changé. La collection d’été est probablement déjà arrivée, il y a des chances que tu trouves de quoi te faire plaisir, expliqua Lestrange, en repensant à toutes les modifications qu’elle avait dû apporter à ces tenues la dernière fois qu’elle avait magasiné à cet endroit, puisqu’elle ne trouvait rien proprement à son goût.

La brunette ouvrit la bouche pour contester le fait de porter du fleurit (elle n’aimait pas trop les trucs très voyants quoi) mais la referma aussitôt, sa voix coupée par la remarque de la violette sur ses jambes. Elle ne savait vraiment pas quoi répondre à ça. Remarquant sa timidité soudaine, Hannah se fit un brin taquine, tout en lui demandant si ça la dérangeait à ce point qu’elle la complimente, auquel cas elle cesserait. Sheireen commença par hocher la tête à l’affirmative, parce qu’elle était effectivement toujours mal à l’aise lorsqu’elle recevait des louanges, mais elle finit par se mordre la lèvre et plutôt secouer la tête à la négative.

-Ça… ça m’a juste surpris, c’est tout… heu… tu as probablement raison, en fait. Je veux dire, à propos que je doute, tu vois… bredouille-t-elle en regardant ailleurs, le ciel, les passants, tout sauf son interlocutrice. Surtout des compliments venant d’une femme aussi belle que toi, c’est déstabilisant… marmonne-t-elle assez bas que Milligan n’allait probablement pas entendre… du moins l’espérait-elle.

Et l’infirmière avait maintenant changé de sujet, soulageant un brin la nervosité de Sheireen, qui put se perdre en explications d’où se trouvait l’animalerie, des types de créatures qui s’y trouvaient (majoritairement magiques, bien sûr), si bien qu’elles étaient presque arrivées chez Gaichiffon lorsqu’elle termina de parler. La boutique de vêtements se trouvant plus près que celle d’animaux, elles iraient à cette dernière par la suite.

Hannah lui confia alors qu’il y avait longtemps qu’elle n’avait pas pris un moment en amies, juste comme ça. Certes, Sheireen se doutait que la vie de mère devait être bien remplie, mais c’est lorsqu’elle parla de son ancien compagnon qui la restreignait que la bibliothécaire eut un fort pincement au cœur. Son regard s’adoucit lorsqu’elle se tourna vers sa merveilleuse amie, et sans réfléchir elle se libéra une main, tenant à la fois sa boisson et la nourriture avec la droite, pour caresser de la gauche l’épaule et le bras de l’infirmière. Elle aussi savait ce que c’était d’être contrôlée par un homme et se faire culpabiliser. Elle n’avait encore jamais eu la force d’en parler, même avec Milligan, mais elle espérait que son regard et sa caresse suffirait à lui faire comprendre qu’elle comprenait. Celle-ci secoua pourtant l’air de la main comme si c’était une broutille, avant de changer à nouveau de sujet pour lui demander si elle aimait faire du shopping, ce qui réussit à tirer un sourire un peu coupable à Lestrange.

-Bien franchement, non, pas vraiment! gloussa-t-elle en récupérant son gobelet de cappuccino dans sa main gauche pour pouvoir boire à nouveau. Je suis plutôt du genre à ne sortir que pour l’essentiel, ça ne te surprend probablement pas hein? Alors oui, je le fais un peu pour te plaire… heu, je veux dire, pour te faire plaisir! Oh, quelle bévue embarrassante! bredouilla-t-elle, le rouge à nouveau sur les joues, se précipitant vers leur premier arrêt d’un pas rapide dans l’espoir de cacher son état troublé.

Arrivant à la porte de la boutique, qui heureusement s’ouvrait vers l’intérieur, la bibliothécaire la poussa simplement de la hanche et resta plantée devant pour la retenir de se fermer, permettant ainsi à l’infirmière et sa progéniture d’entrer chez Gaichiffon avec la poussette sans trop de mal. Profitant de cet arrêt, Sheireen posa son breuvage et déchira un morceau de chocolatine pour le donner à Daphnee en posant un doigt sur ses lèvres, comme pour la forcer à tenir le secret. Un commis styliste un peu maniéré étant venu les accueillir en leur demandant ce qu’elles cherchaient, Hannah avait probablement été trop occupée à lui répondre pour remarquer quoi que ce soit de ce délit culinaire. L’instant d’après, sans qu’elle sache trop comment, Lestrange avait dans les bras une robe bien trop éclatante à son goût, qui supposément était bien assortie à ses yeux (du moins, selon l’opinion d’une tierce personne quoi!)

-Hé, je croyais qu’on regardait pour toi? C’est… non, c’est trop… hum… voyant, à mon goût, je n’aime pas trop qu’on me remarque. Essaie-la toi, tenta-t-elle comme évitement en rendant ladite robe à fleurs à Milligan.

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Disons que « joli » n’était pas particulièrement le premier mot qui lui venait à l’esprit lorsqu’elle regardait le tissu clinquant que lui agitait sous le nez son amie. On aurait dit que quelqu’une licorne avait vomit un arc-en-ciel dans un champ de fleurs. Définitivement trop clinquant pour Sheireen! Pourtant, le commis, dont les goûts vestimentaires ne s’accordaient pas davantage à ceux de la bibliothécaire, renchérissant en ajoutant comment la robe s’accordait bien à ses yeux. Ces derniers roulèrent vers le plafond, avant que la jeune femme ne secoue la tête à la négative en rendant la robe à sa copine et lui intimant de l’essayer, elle. Après tout, c’était davantage pour Hannah qu’elles étaient ici!

Milligan n’accepta qu’en insistant pour que Lestrange essaie ensuite quelque chose à son tour, ne serait-ce que pour le plaisir, même sans l’acheter. Sans le regarder, la brunette put entendre le styliste dans son dos qui soupirait, certainement agacé à l’idée de tous ces vêtements qu’il aurait besoin de replier ou et ranger ensuite après leurs essayages compulsifs « sans s’engager » comme le disait si bien Hannah. Et cette simple pensée parvint à faire sourire Sheireen, laquelle profita d’une nouvelle absence de la mère, enfermée dans la cabine d’essayage, pour refiler à nouveau un bout de chocolatine à l’enfant qui en babilla de plaisir.

L’instant d’après, l’infirmière se pavanait comme une véritable top model, s’attirant d’une part les applaudissements et rires aigües de la fillette… et les sourires gênés de la bibliothécaire. Comment Milligan parvenait-elle à être jolie même habillée de la sorte et en s’affichant avec un air sir faussement hautain? Un peu troubler par cette constatation étrange, Lestrange éclata finalement de rire lorsque son amie lui demanda si elle ressemblait à une pile de dragées. L’image mentale qu’elle c’était faite de cette robe n’était pas plus glamour, franchement, aussi hocha-t-elle simplement de la tête en rigolant.

-Alors, si ton objectif était d’être facile à repérer dans une foule, ça serait plutôt efficace, tu ne passes définitivement pas inaperçue là-dedans!

C’était le plus proche de la vérité qu’elle pouvait lancer sans s’embourber dans des compliments maladroits qui les auraient certainement embarrassées toutes les deux, et Sheireen en était plutôt fière. Hannah ne semblait toutefois pas avoir oublié qu’elle voulait la forcer à essayer quelque chose à son tour, et la supplia presque d’essayer une robe plus sobre, bien que légère au goût de la principale intéressée. Certes, elle n’était pas honteusement décadente, mais elle n’était pas du discret bleu ou gris que semblait tant apprécier la bibliothécaire. Celle-ci soupira en levant les yeux vers le plafond en s’emparant de la robe, après avoir serré la main de son amie de façon ridiculement officielle, ne se trouvant tout simplement pas capable de dire non à celle-ci lorsqu’elle la regardait de la sorte…

Ou lorsqu’elle la regardait point.

-D’accord, mais seulement pour Daphnee, hein, et pour me faire pardonner de l’avoir barbouillée de chocolat, finit-elle par échapper avec un clin d’œil à la gamine avant de s’enfermer dans une cabine d’essayage. Mais ne t’attends pas à un défilé de mode, je n’ai pas le quart de ta prestance, Miss Milligan! Je préfère nettement jouer les spectatrices, lance-t-elle encore par-dessus la porte en se déshabillant prestement pour réenfiler le truc fleurit, se mordant la lèvre trop tard en repensant à ce qu’elle venait de dire, craignant que son amie assume qu’elle adorait la mater… ce qui n’était pas vrai… n’est-ce pas?

Le problème, c’était qu’il n’y avait pas de miroir à l’intérieur. Une tactique de certaines boutiques de vêtements pour vous obliger à sortir de la cabine afin que le commis puisse vous complimenter et vous faire croire que vous êtes magnifique. Embarrassée de ne pas savoir d’avance à quoi elle ressemblait, Sheireen était en train de tirer sa jupe, pourtant raisonnablement sage, vers le bas, s’étouffant à moitié avec son col en licou, lorsqu’elle accepta enfin de sortir sous les appels insistants d’Hannah.

Lestrange n’osa même pas se retourner vers la glace, préférant attendre le verdict de Milligan, n’ayant pas particulièrement envie de constater par elle-même soudainement. Sans vraiment penser à son geste, elle eut le réflexe de détacher le chignon monté à la hâte ce matin-là sur le dessus de sa tête pour laisser ses longs cheveux chocolat couler sur ses épaules que la robe avait laissées dénudées.

-Pour la plage, je veux bien, mais pour travailler? Jamais de la vie. Et comme je ne vais jamais à la plage, je crois que la question se réglera assez vite… bougonna-t-elle pour la forme, parce qu’il lui semblait essentiel de s’opposer avant même que Hannah ou le commis efféminé puisse dire quoi que ce soit.

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Sheireen s’attendait à ce que Hannah réagisse en l’inondant de compliments de façon bien trop excitée, juste pour tenter de la convaincre que les tournesols lui allaient bien. Surveillant l’expression faciale de son amie, comptant sur celle-ci afin de lui donner l’heure juste sur ce qu’elle avait l’air, l’estomac de la bibliothécaire se serra un instant. L’infirmière était restée silencieuse, le regard fixé sur elle, sans dire un mot… et ça ne lui ressemblait pas. Oh, elle avait bien la bouche ouverte, l’air de vouloir parler, mais n’en fit rien. Lestrange ne savait pas si elle devait être inquiète d’avoir l’air ridicule, ou si c’était… le contraire qui réduisait Milligan au silence. Nerveusement, elle joua avec l’élastique à cheveux qu’elle avait retiré sans y penser réellement, probablement un réflexe pour couvrir ses épaules laissées nues par la robe au col en licou.

Le jeune commis fut le premier à parler en assurant que cela mettait en valeur sa taille fine, et la brunette n’eut même pas envie de le regarder. D’abord parce que c’était un étudiant de Poudlard, elle trouvait donc ce genre de remarque, à l’encontre d’un membre du personnel, peu appropriée, mais surtout parce qu’elle ne comptait pas l’opinion d’un vendeur comme étant fiable. Sur le point de tourner les talons pour retourner se changer dans la cabine, Sheireen s’immobilisa lorsque Hannah affirma qu’elles devraient donc aller à la plage. Son ton sembla étrange à la bibliothécaire, qui la dévisagea un instant pour essayer de comprendre ce qui pouvait bien trotter dans la tête de son amie, mais celle-ci semblait avoir repris un semblant de normalité et l’incitait à se regarder dans le miroir en la qualifiant de « magnifique », une réaction qui lui ressemblait davantage.

Lestrange n’eut même pas à rougir du compliment… Elle commençait à comprendre que Milligan en balance à tout moment à son intention, et elle tentait donc de ne plus trop y faire attention. La gamine choisit cet instant pour ramener les regards et les oreilles de tous sur elle, avant que la brunette n’est pu obéir à son amie, lançant un petit son qu’elle ne sut identifier. Ce fut la mère qui fit la traduction pour Sheireen, affirmant en gloussant que Daphnee l’avait qualifiée de « princesse ». Oubliant soudainement tout de son embarras précédent, la bibliothécaire éclata de rire et se pencha un instant devant la petite pour lui écraser doucement le nez du bout du doigt.

-C’est toi la princesse, petite rigolote! glousse-t-elle à son tour avant de se relever.

À cet instant, Hannah la pris doucement par les épaules, de ses mains étrangement plus chaudes que d’habitude, et la regarda un petit instant dans les yeux. Rien qu’une seconde, très courte, mais ce fut assez pour donner l’impression à Sheireen que le sol s’ouvrait sous ses pieds. Puis, aussi vite qu’elle était apparue, cette sensation laissa place à la confusion lorsqu’elle se retrouva face à elle-même, fixant maintenant plutôt le miroir vers lequel son amie l’avait forcée à se tourner. Un léger frisson lui parcouru l’échine lorsque Milligan passa ses doigts dans sa chevelure épaisse pour les replacer. Son cerveau étant plus occupé à analyser les sentiments étranges qui l’envahissaient, Lestrange ne fit pas tellement attention à ce qu’elle dégageait ni à ce qu’elle pensait de cette tenue. Pour peu… elle s’en fichait pour l’instant, se contentant donc d’hocher la tête à ce que disait l’infirmière. Il lui semblait, juste à écouter son amie parler, qu’elle pouvait sentir les rayons du soleil caresser sa peau et la chaleur du sable sous ses pieds nus, la douceur des vagues qui venaient les rafraîchir de temps à autre, alors qu’elle faisait semblant de lire, observant plutôt mère et fille construire un château de sable. L’éclat de rire de Daphnee. La silhouette d’Hannah dans son maillot.

Maillot? Pourquoi pensait-elle à cela? Rougissant, la bibliothécaire réalisa à retard que c’était le commis qui en avait parlé, alors qu’elle n’était pas vraiment attentive, mais le mot avait malgré tout fait son chemin dans son esprit. Non, elle n’avait définitivement pas envie de faire un essayage de maillots! Hannah le devina aussitôt, et libéra Sheireen de l’embarrassante nécessité de le mentionner avant d’éclater de rire. À son tour, Lestrange sourit timidement à son reflet, réalisant que son amie se moquait gentiment d’elle, puis attrapa la main de Daphnee alors que Milligan lui demandait de choisir la robe qu’elle devrait essayer à son tour.

-Sauf que je n’y connais rien en robes! protesta-t-elle, mais s’adressant à l’enfant plutôt qu’à Hannah, son attention toute retournée vers la gamine. Il me faudra l’avis d’une experte, et je ne vois personne de mieux que toi Daphnee. Tu as l’air de t’y connaître en Princesses, non? Alors, dis-moi, quelle robe ici fera de ta maman la plus jolie princesse? l’encouragea-t-elle en l’entraînant entre les différents présentoirs.

La bibliothécaire gloussa alors à la remarque de Milligan concernant cet « endroit infernal » et l’envie de prendre ses jambes à son cou. C’était vrai, mais elle n’allait quand même pas acquiescer devant l’employé de la place. Elle avait encore un peu de savoir-vivre, même si ses rêveries lui avaient fait oublier qu’elle portait toujours la robe tournesol en se baladant dans le magasin.

-Je croyais avoir bien fait savoir que je le faisais uniquement pour Daphnee, rigola-t-elle en se retournant à nouveau vers la mère, un rare éclair espiègle dans le regard, avant de reporter son attention sur les choix loufoques de la petite.

S’amusant beaucoup trop dans ce rôle, Sheireen servit de support à vêtements en attrapant tout ce que la petite pointait, cumulant ainsi jolies robes et horreurs vestimentaires à lancer plus tard à Hannah. Le pauvre employé commençait à se désintéresser d’elle, réalisant qu’il aurait beaucoup plus de rangement à faire que de ventes à conclure.

-Aller, retourne en cabine toi, et je te lancerai des trucs au hasard par-dessus la porte, tu n’as pas le droit de choisir, la menaça-t-elle en lançant un clin d’œil complice à Daphnee.

Codage par Libella sur Graphiorum