Souvenirs d'enfance
Nous voilà en juin. Je ne savais pas si je devais me réjouir d'avoir enfin un peu de temps pour moi ou s'il fallait que je me lamente des prochaines journées longues et ennuyeuses qui m'attendaient. En tout cas, même la chaude brise de l'été ne pourrait pas retirer cette appréhension qui grandissait en moi à mesure que le temps passait.. Me rapprochant toujours un peu plus de ce mois fatidique. Me rappelant toujours un peu plus la douleur de la perte, les images et même les odeurs de cette pénible journée d'Octobre.J'avais pour habitude de me plonger corps et âme dans mon travail, ce qui m'empêchait de trop penser et de me laisser aller à la mélancolie. J'étais douée pour fuir les problèmes, m'avait-on dit un jour aux trois balais alors que j'engloutissais ma bière au beurre comme si c'était le remède de tout mes maux. D'ailleurs, depuis le drame, je n'avais pas encore eu à affronter ce fameux mois de juin et tout ceux qui le suivraient avant la prochaine rentrée scolaire. Mais ces derniers jours, j'avais pu me rendre compte à quel point ces vacances allaient être longues et pénibles.
J'avais pris la fâcheuse habitude de revenir errer à Poudlard ces derniers temps. Je ne voulais être nul part ailleurs. De toute façon, avais-je seulement quelque part où aller ? Oh, il y avait bien ce petit taudis miteux, mais rassurant, que j'avais loué au dessus d'une auberge de Pré-au-lard.. Mais j'avais l'impression que jamais je ne pourrais vraiment m'y sentir comme chez moi. Pas pour le moment en tout cas. Non, le seul endroit où je me sentais à ma place, c'était à Poudlard. Ce vieux château avait le mérite d'agir comme une sorte de baume sur mon cœur meurtri.
J'avais appris par une de mes élèves que la classe de soins aux créatures magiques possédait ses propres enclos et qu'il y résidait toutes sortes de créatures, dont des sombrals. Ce qui piqua ma curiosité, bien évidemment. Je mentirais si j'affirmais ne pas avoir prié de toutes mes forces pour pouvoir parcourir ce lieu en toute sérénité, sans que personne n'y vienne me trouver. J'aimais bien ma solitude, cette vieille amie dont je savais parfois apprécier l'épaule qu'elle me tendait pour m'y reposer. Et quand j'ai ouvert la porte de la classe et qu'aucune âme n'avait l'air d'errer dans ces lieux, je poussa un long soupire de soulagement.
Bien entendu, je parcouru brièvement les enclos, mais c'est bien devant les sombrals que mon attention fut à son comble. Non pas que les autres créatures avaient moins de place dans mon cœur, j'avais cette fâcheuse tendance à porter de l'affection à tout ce qui pouvait être rejeté d'une quelconque manière que ce soit dans la vie. Le sombral était une créature incomprise la plupart du temps, voir même détestée quand on sait ce qu'il faut avoir vécu pour pouvoir avoir le privilège de les voir. Comme si finalement ces pauvres créatures étaient responsables de tout les maux de ce monde.
Alors qu'un jeune sombral s'approchait de moi, l'air un peu méfiant et craintif, je sortais un morceau de viande de mon sac pour le lui tendre et lui montrer que je n'étais qu'une amie qui lui voulait du bien. Finalement, il arriva à mon niveau et j’eus même le droit de caresser le bout de son museau du bout des doigts alors qu'il engloutissait goulument la nourriture que je venais de lui donner.
- "Tu es tellement beau et en même temps, tu me rappelles tant de souffrances et pourtant ... Pourtant tu n'y es pour rien."
Soufflais-je en continuant de le grattouiller entre les deux yeux.
Soudain, j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir, puis se refermer et je me figea aussitôt, comme une gamine prise sur le fait, comme si je n'avais pas le droit d'être là et que j'avais fait une bêtise. Je fermais les yeux alors que le sombral s'éloignait pour rejoindre les siens. Adieu, douce solitude.
Codage par Libella sur Graphiorum