Dealer de Potion Tue-Loup ~[PV : Donovan] (Terminé)

Être professeur, c’est un art. Un métier à part entière qui ne s’improvise pas. Transmettre son savoir à de jeunes apprentis exigeait beaucoup de qualités de la part de l’enseignant. Tout cela, Donovan s’en était douté lorsqu’Ariana lui avait proposé de se prêter à cet exercice, à présent il savait.

En cette fin d’après-midi, le tout nouveau professeur de potions de Poudlard était penché sur son bureau, entouré de monticules de parchemins et de grimoires. Sa plume grattait frénétiquement l’un de ces parchemins tandis que de sa main libre il tenait un grimoire ouvert. Son doigt courait sur la page, à la recherche d’informations puis, lorsqu’il tombait sur un fait intéressant, il s’arrêtait pour que la plume prenne note à son tour de ce fait. Être arrivé en cours d’année ne facilitait pas la tâche au nouveau professeur, il devait prendre connaissance de tous les programmes, des enseignements donnés par sa prédécesseure et constituer ses propres cours en conséquence. Cela représentait un travail monumental dans lequel il s’immergeait tous les soirs pour tenter de ne pas se laisser dépasser. Ses bricolages effectués à la hâte afin de pouvoir donner ses premiers cours ne pouvaient tenir éternellement, il lui fallait une base plus solide pour que les jeunes sorciers puissent apprendre l’art délicat de la conception des potions.

Ce fut dans cette ambiance studieuse de fin de journée, à cette heure où le château frémissait d’attente car l’heure qui sonnerait la fin du dernier cours approchait à grands pas, que l’on frappa à sa porte. Il fallut un temps avant que Donovan comprenne que ce bruit qu’il venait d’entendre appelait une réponse de sa part. Lorsqu’il l’eut enfin compris, il leva les yeux de son grimoire et considéra la porte avec un regard embué.

« Entrez ? »

Il se demandait bien qui pouvait venir ainsi à sa rencontre. Un élève qui aurait des questions ? Peu probable alors qu’il était arrivé depuis quelques jours à peine. Ariana peut-être, ou bien la directrice, pour il ne savait quelle raison. Mais la réalité était toute autre, comme il le découvrit bientôt.

« Ho bonjour » salua-t-il poliment mais avec une certaine surprise dans sa voix et sur son visage.

Délaissant plume et grimoire, Donovan se leva et contourna son bureau pour s’avancer à la rencontre de sa collègue. La professeure de soin aux créatures magiques, s’il ne se trompait pas. Venait-elle pour faire connaissance ?

Donovan observa sa visiteuse venir vers lui avec une certaine curiosité. Elle avait pris soin de refermer la porte derrière elle ce qui l’intrigua. Le langage corporel de la jeune femme laissait entendre un certain désir de secret. Voilà qui avait de quoi intriguer le nouveau membre du personnel.

Il répondit au sourire de sa collègue en esquissant le même sourire et la laissa parler la première puisqu’elle venait à sa rencontre. Il approuva sa question rhétorique d’un simple hochement de tête, pour l’encourager à continuer plus que pour confirmer puisqu’il n’était pas nécessaire de répondre. Encore timide de par son arrivée récente, Donovan en était à tâtonner afin de découvrir chaque personne vivant dans ce château, ou du moins celles qu’il était amenées à côtoyer. Ainsi se montrait-il aussi ouvert que possible en cet instant, se demandant bien ce que sa collègue lui voulait. Elle semblait quelque peu mal à l’aise.

Son entrée en matière intriguait plus encore. Au moins ne feignait-elle pas un intérêt factice et déclarait-elle d’emblée la raison de sa venue, quoi qu’elle semblât vouloir tourner autour du pot. De plus en plus curieux, Donovan la laissa continuer pour voir si elle parvenait à trouver les mots pour s’exprimer. Il se contentait de paraitre aussi avenant que possible, son intérêt non dissimulé.

« Votre condition ? » ne put-il s’empêcher de relever.

Elle avait décidément le don de maintenir un certain suspense qui commençait à travailler Donovan. Ce dernier fit un geste pour lui signifier de continuer malgré son interruption et de faire comme s’il n’avait rien dit. Ce qu’elle fit. Et il ne fut pas déçu.

Un loup-garou.

L’étonnement pris toute sa place sur le visage de Donovan qui ne se donna pas la peine de le dissimuler. Il ne s’était pas le moins du monde attendu à rencontrer une autre créature magique dans les murs de ce château. L’estime qu’il portait à la directrice de l’école monta en flèche à la lumière de cette révélation. Ainsi le professeur MacGonagall donnait leurs chances à tous les êtres magiques ? Peu nombreux étaient les sorciers aussi ouverts d’esprits. Il y avait d’ailleurs fort à parier que si les élèves et leurs parents venaient à le savoir il y aurait des histoires. Un loup garou et un vampire qui enseignent, on avait pas idée !

Un large sourire remplaça bientôt l’étonnement. Donovan balaya les craintes de sa nouvelle collègue d’un geste de la main. Il fut d’ailleurs très amusé de la voir tenter de faire dériver la conversation sur un autre sujet, comme si elle craignait une mauvaise réaction de sa part. Elle avait bien raison, au demeurant, d’être habitée de ce genre de crainte, mais en présence de Donovan elle n’avait pas à avoir peur.

« Poudlard montre une hospitalité toute personnelle » répondit-il non sans un certain amusement sur ses traits « Si les habitants sont en majorité cordiaux, le château lui-même est moins accueillant et s’amuse à me perdre dans ses couloirs »

Il rit, amusé plutôt que vexé par ces coups du sort. Avec le temps il ne tarderait pas à trouver son chemin dans ces escaliers et ces couloirs aussi nombreux que piégés.

« Déjà, je parviens à trouver ma salle de classe et la Grande Salle » ajouta-t-il toujours rieur en prenant place sur la chaise voisine de celle où sa collègue s’était installée.

Donovan ne dit rien du fait qu’il savait aussi localiser la chambre d’Ariana sans trop de difficultés. Pas plus qu’il ne lui expliqua comment il en était venu à devenir enseignant, cela attendrait bien un peu, même s’il ne se faisait aucune illusion : on saurait bien vite quel lien le reliait à Ariana. Il préféra se concentrer sur la raison qui avait amenée sa collègue jusqu’à lui.

« Lizbeth » reprit-il avec sérieux cette fois « Vous permettez que je vous appelle Lizbeth ? »

Il lui laissa à peine le temps de répondre avant de continuer :

« Sachez que vous n’avez pas à craindre le moindre préjugé de ma part. Je vous préparerai cette potion avec plaisir, d’autant que si ma prédécesseure vous la préparait il doit y avoir ici tous les ingrédients nécessaires à sa concoction. »

Il se pencha vers elle, leurs deux corps se frôlant, et lui prit la main.

« Nul besoin d’être nerveuse en ma présence » la rassura-t-il.

Donovan rit avec sa collègue lorsqu’elle parla du bizutage que faisait subir le château à tous les nouveaux arrivants. Ses mots parlaient avec justesse, il pouvait l’attester. Combien de fois s’était-il égaré au troisième ou au cinquième étage avant de trouver le chemin jusqu’à son logement au quatrième ? Cela sans parler des marches qui se dérobaient malicieusement sous les pieds et des trous qui vous emprisonnaient le pied et que les habitués ne remarquaient plus avec le temps mais dans lesquels les nouveaux venus ne manquaient pas de se piéger. Oui, ce vaste château était rempli de pièges, magiques ou non, entre lesquels Donovan allait devoir apprendre à se glisser.

Heureusement malgré toutes ces facéties Donovan s’en tirait à bon compte, comme le soulignait justement sa collègue : il parvenait à rejoindre les points essentiels. Encore qu’il était loin d’avoir tout vu, mais contrairement à ce que suggérait Lizbeth, il n’avait pu rater un temple comme celui de la bibliothèque.

« Je suis tout à fait d’accord ! Cette bibliothèque est une merveille. » Le regard de Donovan brillait à l’évocation de ce haut lieu du savoir « J’ai eu le plaisir de le visiter, la chance m’a attribué un logement non loin de sorte que je peux combler mes désirs sans me perdre. J’y ai d’ailleurs trouvé de quoi préparer mes cours. » ajouta-t-il en désignant son bureau encombré.

Miss Lestrange s’était avérée être une personne tout aussi exquise que ce qu’on lui avait prédit, aussi était-il là aussi en accord avec sa collègue. Il comprenait pourquoi personne ne tarissait d’éloge au sujet de la bibliothécaire.

Ce soir, c’est Lizbeth dont il faisait la connaissance, aussi laissa-t-il le sujet mourir, car bien sûr sa collègue n’était pas venue dans l’idée de lui souhaiter la bienvenue ou jouer au guide touristique, elle ne s’en était pas cachée d’ailleurs. C’est ainsi qu’ils en vinrent au cœur des préoccupations de Lizbeth, sa collègue loup-garou, comme il l’apprit en cet instant. Donovan mit alors un point d’honneur à la rassurer, ce qu’il fit maladroitement visiblement car la jeune femme fuit, gênée par ses manières.

« Pardon » s’excusa-t-il sans trop comprendre ce qui la dérangeait.

Il décida de ne pas épiloguer à ce sujet et de rester concentré sur celui qui les intéressait : le loup-garou.

« Je te comprends » dit-il en s’installant au pupitre où il avait élu domicile pendant que sa collègue fuyait pour flâner dans sa classe. « Pour ton loup, je veux dire. » précisa-t-il pour éviter les malentendus.

Il n’expliqua pas que lui-même devait faire face à la méfiance de la communauté magique pour ne pas être né selon les règles qui leur convenaient. Il ne doutait pas qu’il se confierait à elle à un moment ou un autre mais il ne voulait pas ramener la conversation vers sa petite personne. Il préférait laisser Lizbeth se confier, tout simplement.

« C’est bien dommage de devoir faire face à l’hostilité de ses pairs. Au moins ma prédécesseure acceptait de te la confectionner malgré son hostilité à ton égard. Tu as eu de la chance de trouver quelqu’un capable de la fabriquer, il existe peu de sorciers possédant cette capacité. »

C’était sans doute grâce à cela que la professeure de soin aux créatures magiques avait pu obtenir la permission d’enseigner, d’ailleurs. Donovan imaginait mal comment, sinon, la directrice aurait pu accepter la présence d’un tel danger pour les élèves au sein de son établissement.

Lizbeth déambulait dans la classe sous les yeux d’un Donovan tranquillement installé comme l’un de ses élèves. La scène était étrange et amusante à la fois : c’était comme si Donovan était devenu spectateur de son propre cours. D’ailleurs, Lizbeth l’interrogea à ce sujet. Il acquiesça.

« Oui. Ce n’est pas bien brillant pour le moment, je dois m’adapter rapidement mais je travaille dur pour rattraper tout mon retard. » Pour illustrer son propos il désigna son bureau jonché de grimoires (en provenance directe de la bibliothèque du château) et de parchemins couverts de son écriture calligraphiée et brouillonne.

L’interrogatoire continua. Il n’était pas difficile à comprendre que, désormais rassurée quant à la préparation de sa précieuse potion, Lizbeth laissait libre cours à sa curiosité au sujet de ce nouveau collègue dont elle ignorait presque tout. Cela amusait Donovan qui la trouvait bien sympathique cette jeune femme, lycanthrope ou non. Il rit de nouveau avec elle, son rire se communiquant si facilement à lui devant sa légèreté.

« Je vous trouve bien intrusive miss gardons nos distances » fit-il avec dans le regard cet éclat de malice qui le caractérisait et montrait que, contrairement à ce que laissaient entendre ses paroles, il n’en prenait pas ombrage.

Il se leva alors et noua les mains dans son dos pour, lui aussi, déambuler dans la pièce avec décontraction. Ce faisant, il se rapprochait de sa collègue. Les secrets méritaient bien un peu plus de proximité.

« Pour répondre à tes questions, si je suis là c’est qu’Ariana Carrow m’a recommandé à la directrice car elle sait que j’ai une large et longue expérience des potions. C’est l’avantage d’être un vampire immortel : on a beaucoup de temps pour apprendre. »

Il avait lâché cette dernière information avec un air badin, amusé, jouant une sorte de comédie. Puis il ajouta, plus bas, sur le ton de la confidence :

« Mais chut ! » dit-il dans un murmure, un doigt venant se poser sur ses lèvres « c’est un secret, miss loup-garou »

L’humour de Lizbeth ne déplaisait pas à Donovan qui le goûtait avec plaisir. Cette collègue lui semblait fort sympathique et le tout nouveau professeur se disait qu’ils pourraient s’entendre à merveille à l’avenir. Une certaine complicité avait d’ailleurs toutes les chances de naître entre eux en considérant le service que Donovan allait rendre à sa collègue très bientôt, et du secret qu’ils allaient partager ainsi. Pour autant la jeune femme n’était pas une « femme facile » si l’on pouvait dire, elle ne se laissait pas approcher comme cela et le signifia sans ambages à un Donovan un peu trop entreprenant à son goût. Il se demanda si l’évocation de la bibliothécaire n’était pas un indice sur les raisons profondes de son malaise : si la jeune femme préférait les représentantes du beau sexe il n’était pas surprenant que son contact viril la répugne.
Mais peut-être s’égarait-il dans des spéculations qui n’étaient guère le sujet et qui en outre ne le regardaient pas.

Pourtant, de confidence en confidence, Lizbeth expliqua les raisons de sa mésentente avec la précédente professeure de potions.

« Ha. »

Telle fut dans un premier temps la réaction de Donovan. Voilà qui expliquait fort bien pourquoi la femme dont Donovan occupait désormais le poste n’aimait guère le loup-garou de Lizbeth. La chose devenait tout à fait compréhensible à la lumière de cette explication.

« Pardon, j’ai jugé hâtivement. »

Pour sa défense, cela était si commun au cœur de la communauté magique au ban de laquelle loups-garous, vampires et autres créatures magiques étaient reléguées. Heureusement il n’en allait pas ainsi de chacun. Pour preuve Lizbeth et Donovan étaient tout deux professeurs dans cette école magique. Car oui le professeur MacGonagall avait posé des règles strictes quant à sa nature mais elle n’en avait pas moins accordé sa confiance au semi-vampire qu’il était, ainsi qu’au loup-garou en lequel Lizbeth se transformait chaque mois. Alors oui, Donovan ne pouvait qu’être d’accord avec sa collègue.

« Le professeur MacGonagall est une sacrée personne, en effet ! » confirma-t-il, toute l’estime qu’il lui portait perceptible dans sa voix.

De partager à ce sujet, Donovan se sentait plus proche de sa collègue. Ils étaient tout deux des parias, même si leurs contraintes quant à leurs natures n’étaient pas les mêmes. Donovan s’en tirait d’ailleurs nettement mieux que la loup-garou lui semblait-il. Cette proximité favorisait un certain rapprochement, des confidences que le semi-vampire n’aurait pas faites au premier venu. C’est ainsi que Donovan livra ses secrets à Lizbeth, sans crainte mais non sans y mettre les formes. Au fond, il était joueur, il l’avait toujours été. La force de l’habitude sans doute, le cynisme vous vient lorsque la vie vous écrase sous le coup de ses fatalités, et plusieurs siècles de fatalités… cela vous rend très cynique.

Et sans surprise, Lizbeth compris.

Donovan se mit à rire. Il riait de lui, il riait contaminé par le rire de Lizbeth. Si chacun de ses collègues pouvait être moitié aussi sympathique que la jeune femme, Donovan serait un nouveau professeur heureux. Il pourrait envisager de passer une décennie ou deux ici, pour peu que cela lui apporte assez pour qu’il s’épanouisse.

« En effet, tu as vu juste : je ne confie pas cette information au premier importun venu, même s’il se montre curieux. »

Le regard du semi-vampire pétillait de malice tandis qu’il accusait à demi-mot la jeune femme de se montrer quelque peu intrusive. Elle l’avait prévenu qu’il pouvait lui renvoyer ses questions à la figure, lui préférait les petites piques bien senties, quoi que toujours bon enfant.

Donovan prit appui sur son bureau et considéra avec bienveillance sa curieuse de collègue qui avait investi les lieux et y flânait comme si elle eût été chez elle. Cette décontraction lui plaisait, malgré ses usages quelques peu surannés, Donovan aimait lorsqu’on ne faisait pas de manière.

« Tu es plus accueillante que les escaliers de Poudlard » plaisanta-t-il avant de dégager un petit bout de bureau afin de s’y asseoir tout à fait. Puis il tapota une pile de manuels pour appuyer la suite de ses dires, répondant ainsi à la proposition qu’elle venait de lui faire : « C’est très gentil à toi mais pour le moment j’ai tout ce dont j’ai besoin, y compris des collègues fort aimables. »

Il s’accouda avec décontraction sur ladite pile et adressa un sourire à Lizbeth.

« Je suis content que tu sois venu me voir, j’ai l’impression que nous allons bien nous entendre. Mais j’ai tout de même une question à te poser qui va te paraitre grossière. Vous les femmes… »

Il poussa un soupir faussement agacé avant de continuer :

« Combien pèses-tu ? »

Un sourire canaille accompagna cette question qui pouvait paraitre hors contexte. Pourtant, elle avait bel et bien une raison d’être et si Lizbeth prenait de la potion tue-loup elle avait dû y faire face déjà une fois ou deux. Car ce n’était pas pour rien que cette potion était si difficile, elle faisait partie de ces rares philtres qui nécessitaient de s’adapter à la physionomie de la personne à qui on l’administre.

Il était étonnant de voir à quelle vitesse les deux collègues devenaient complices. Ils partageaient un même humour, c’était vrai, mais pas seulement. Il était des liens qui se créaient entre eux naturellement et tout deux s’accordaient sur des sujets d’importance. Cette histoire de loup-garou mal aimé se finissait bien tout compte fait, et à présent que Donovan avait pris la place de la défunte professeur il en irait tout autrement pour Lizbeth grâce à la merveilleuse confiance que leur accordait Minerva MacGonagall.

Cette proximité entre eux, Donovan l’approuvait tant qu’il qu’il n’hésita pas à confier son secret le plus important à la jeune femme. Sa compréhension était évidente, son humour intarissable.
Donovan eut un rire bref, surpris par cette réplique piquante.

« Quelle idée ! »

Elle était à son aise cette collègue, Donovan décréta qu’il l’aimait bien. Ainsi son invitation ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd, elle pouvait être certaine qu’il n’hésiterait pas à faire appel à son aide en cas de besoin !

Mais voilà que Lizbeth se confiait de nouveau à lui. Donovan ignorait ce qu’il devait faire de cette déclaration. Ce qu’il devait en comprendre.

Une part de lui nota bien entendu qu’il avait visé juste avec sa supposition un peu plus tôt, avec cette petite pointe de fierté d’avoir raison. Mais à vrai dire c’est surtout la surprise qui dominait en cet instant. Il ne comprenait pas pourquoi elle lui parlait de ses préférences. S’était-il montré si cavalier pour qu’elle se sente obligée de lui dire cela ?

« Je… d’accord. »

Ce fut tout ce qu’il répondit. Pas de jugement, simplement une acceptation d’un fait, comme une information banale, bien qu’elle lui fasse l’effet d’un cheveu sur la soupe.

Il fut un temps où ce genre de déclaration aurait choqué Donovan, l’aurait dégouté même. Mais avec les années les rencontres féminines s’étaient multipliées et la libération de la femme au cours des dernières décennies l’avait inévitablement atteint. Il avait fini par accepter beaucoup plus de choses de la part du sexe faible. Ariana elle-même avait contribué à cette évolution.

C’est donc ainsi que la révélation de Lizbeth en vint à le laisser presque indifférent. Ce n’était pas ce qui allait freiner Donovan dans son désir d’une relation avec elle. Tout au contraire cela pouvait éviter bon nombre de quiproquo. Voilà pourquoi il ne se priva pas de lui signifier qu’il était heureux qu’elle soit venue à sa rencontre.

Etait-ce aussi une façon de faire passer la pilule de cette question indiscrète ? Peut-être… Ce qui ne l’empêcha pas de faire preuve d’une certaine malice en la posant. Il s’était demandé si Lizbeth comprendrait la raison de cette indiscrétion, il constata surtout le fou rire que cela fit naitre chez elle. Sa réponse tarda donc à venir et Donovan contempla en souriant cette femme qui se moquait des convenances. Il appréciait décidément beaucoup Lizbeth. Elle était franche, sans manière et sa langue était capable de persifler un humour qui ne manquait pas de piquant et de dérision, en somme le meilleur qui fut. Il se promit alors d’entretenir cette complicité entre eux pour bâtir une véritable amitié sur cette fondation.

Elle lui répondit finalement, et avec le sourire s’il vous plait, et Donovan put constater qu’en effet elle avait compris le but de cette question.

« Une fois de plus, tu as raison. »

Son esprit perspicace n’avait rien à envier à son humour. Une partenaire de choix, à n’en pas douter, pour tout type de passe-temps, encore qu’il faille en rayer un de la liste a priori.

Donovan suivit le mouvement et se laissa glisser à bas de son bureau quand Lizbeth quittait l’appui du mur pour prendre congé.

« Je ne te retiens pas plus longtemps, j’ai moi-même des choses à faire. »

Un geste vague de la main suffit à expliquer de quoi il retourne. La préparation de ses cours ne se ferait pas seule.

« En tous cas, monsieur, je suis heureux de vous avoir rencontré et de savoir que nous avons plus d’un goût en commun. »

Il ponctua sa plaisanterie par une révérence destinée à saluer sa collègue mais son air canaille et son sourire en coin en firent une parodie.