Ma vie

Une sublime maison, à deux étages, entretenue de façon journalière, entourée d’un jardin tout aussi tiré à quatre épingles. Il était parfait, la pelouse pareille à l’émeraude, les haies taillées à la perfection, mises en avant par de jolies fleurs colorées.  

Visuellement, tout était parfait, et c’était ici que Deryn avait vécu toute son enfance. Sa mère prenait le temps de lui faire les cours à la maison, de bien l’éduquer, de la rendre polie, calme, cultivée, elles étaient très bien vues dans tout le quartier.  

En vérité, c’était ici que Deryn survivait, que sa mère l’obligeait à prendre des cours à la maison, pour qu’elle ne se mêlent pas aux enfants de son âge et qu’elle ne se rebelle pas avant l’âge. C’était ici que sa mère la contraignait à aller dans son sens, l’obligeait à porter des robes, à passer pour une fille de bonne famille, à dire bonjour au moindre inconnu sous peine d’en subir les conséquences.

Elle n’a jamais été véritablement en contact avec des personne de son âge, toujours sa mère et des amis à elle, ou bien ses nombreuses conquêtes, que sa maternelle enchaînaient, pour tout se faire payer. Elle ne travaillait pas, et n’en avait pas besoin, suite à un divorce rondement mené. Inutile de préciser que dans tout le lot, Deryn n’avait aucune idée de l’identité de son père.  

Malgré son jeune âge, elle n’avait de cesse de se poser des questions sur le sujet, et encore plus lorsqu’elle était seule, face à elle-même, dans son jardin, en train de lire un livre de comte.

Mais cette après-midi, elle fut coupée par un camion de déménagement, beaucoup de bruits, de nombreux propos qui la firent rougir.  

“Hey !”

Elle sursauta et redressa la tête, pour rencontrer celle d’un jeune homme blond, pâle, très pâle même, et avec de grands yeux noisette espiègles.  

Elle rougit d’autant plus et rentra sa tête dans ses épaules.

“Bonjour ?”

Elle ne le connaissait pas.

“On va être voisins je crois, enfin c’est ce que ma mère m’a dit. Elle m’a aussi dit d’aller dire bonjour aux personnes du quartier pendant que les déménageurs amenaient tout dans la nouvelle maison.”

Il lui tendit la main, avec un large sourire.

“Je m’appelle Feren, et toi ?”

Elle se redressa, et se mit sur ses petites jambes, lorgnant sa main avant de l’attraper timidement.

“D-Deryn...”

Elle n’aurait su dire si l’assurance de ce jeune homme lui inspirait la peur, l’incompréhension, ou bien l’admiration. Peut-être un peu des trois ?

Elle était sûre d’une chose cependant : il n’allait pas plaire à sa mère.







Elle se hâta de finir ses calculs, sous l’oeil dur de sa mère, et lui montra fièrement la feuille, attendant sa réponse. Son stylo rouge à la main, elle lut le papier en entier, avant de le reposer sans rien écrire dessus.

“C’est parfait.”

La jeune fille lâcha un sourire.

“Je peux sortir du coup ? Feren m’attend”

Elle put lire le mécontentement de sa génétrice sur son visage, mais cette dernière finit par accepter. La brune rangea alors la table et se précipita dehors, pour rejoindre Feren dans son jardin. Sa maman leur avait préparé un cake pour le goûter ainsi que du diabolo. Elle aimait beaucoup la maman de Feren. Elle était super gentille, faisait toujours des gâteaux, et elle adorait les animaux. Elle en avait plein chez elle, et ils étaient tous sauvés de la rue ou d’humains méchants. Deryn adorait quand elle lui racontait les histoires de leurs animaux, même si elle détestait les anciens propriétaires des animaux... Mais au moins, ils étaient bien ici !

Sa maman était aussi... “vegan”. Elle ne comprenait pas encore trop ce que ça voulait dire, mais elle avait retenu qu’elle ne mangeait rien qui venait d’animaux, ça la surprenait un peu, parce qu’elle n’avait pas l’habitude de ça, mais vu qu’elle cuisinait super bien, elle ne sentait aucune différence, alors ça lui importait peu ! Ici au moins, elle pouvait être qui elle était.  

“Feren ?”

Elle le cherchait, mais impossible de le trouver. Elle fut soudainement prise de chatouilles sur les côtes. Elle rit et se retourna, croisant son meilleur ami. Avant de rire à nouveau.

“C’est pas juste !

-qui a dit que j’étais juste ?”

Elle lui sourit avant d’entendre une voix féminine.

“Aller les enfants, le gâteau est encore un peu chaud venez en profiter !”

La petite brune courut alors jusqu’à la table de jardin pour s’y asseoir, et regarder Isibeal.

“Merci beaucoup ça donne envie !”

Le blond vint à son tour, et ils passèrent l’après-midi à parler, jouer à des jeux de société, et s’occuper des animaux. Isibeal apprit même à Deryn à biberonner des bébés souris. Ils venaient d’une animalerie, leur maman était morte et ils avaient voulu les tuer, mais la maman de Feren était arrivée à temps et avait voulu les sauver.  

Vint l’heure de rentrer chez elle, et une boule au ventre se forma. Elle ne voulait, mais n’avait pas le choix.







C’était la fois de trop, la fois qui l’avait faite vriller. La fois qui l’avait détruite une fois pour de bon.

Elle se tenait la main, enflée, brûlée par le choc du cuir contre sa peau.  

La brune courait à en perdre haleine dehors, dans le froid de l’écosse, les larmes roulant le long de ses joues. Elle ne savait même pas où est-ce qu’elle se trouvait précisément. Elle voulait juste se trouver le plus loin possible de cet endroit qu’elle appelait “sa maison”.

Elle n’entendait plus rien, ne voyait plus rien.

Mais senti parfaitement sa chute, comme si elle avait été poussée par quelque chose. Un crissement se fit alors entendre, un choc, des lumières.  

Elle reprit alors conscience de la situation. Sur le bas côté d’une route, la moitié du corp écorché par le goudron, elle vit un corps inconscient sur la route, illuminé par les fars d’une voiture rouge.

Un corps blond.  

Feren.  

Que... que faisait-il là ?

Elle se redressa et s’approcha de lui, ses larmes si affluantes qu’elle voyait à peine devant elle.

“Non...”

Sa voix tremblante, tout comme ses mains. Elle le savait. Elle le sentait.

Le pire était arrivé.

Le conducteur sorti, paniqué.

“Je... il est sorti de nulle part et t’as poussé parce que tu... enfin je...”

Il venait de tuer Feren.

A cause d’elle.

Elle... avait tué Feren.  

Elle hurla, de douleur, de désespoir, de colère. De tout. Ses genoux lâchèrent, elle finit à terre à l’instant où ils touchèrent la route, une sorte d’onde choc parti d’elle-même, terminant sa route contre la voiture, et le conducteur, qui furent envoyer une dizaine de mètres plus loin.  

Puis, elle perdit conscience, sans avoir eu le temps de se rendre compte de ce qu’elle venait de faire.



***



Elle se réveilla, dans un environnement blanc, propre, soigné. Sa mère juste à côté d’elle. Elle avait mal partout, mais surtout, elle était terriblement fatiguée.  

“Que... qu’est-ce je fais là...?”

Sa mère posa son regard sur le sol, comme si elle ne savait pas quoi dire. Elle n’aimait vraiment pas ça.  

“Maman, dis-moi...”

En l’absence de réponse, elle chercha dans ses souvenirs, puis tout le revint d’un coup.  

Elle se figea, et pleura si fort qu’elle crut qu’elle ne parviendrait jamais à s’arrêter.







Elle s’écroula dans son nouveau lit, le sourire aux lèvres, malgré sa fatigue et sa peur extrême. Un nouvel environnement. Plein de magie, de fantastique, de... mouvement. Tout cela sonnait comme un nouveau souffle, une nouvelle vie, ou simplement une vraie vie enfin.

La journée avait été éprouvante, entre le train, sa mère qui n’avaient pas voulu la laisser partir, la présentation de Poudlard. Elle avait pu voir des animaux qu’elle n’aurait jamais pu voir ailleurs, quelques personnes user de magie, des choses qu’elle n’aurait espéré voir que dans ses rêves. Elle était juste... à sa place. Elle le savait, elle le sentait. Un vent frais soufflait enfin dans sa vie, elle savait enfin dans quoi elle mettait les pieds, elle avait enfin envie de faire quelque chose, d’avancer, d’aller de l’avant. C’était ce qu’elle avait toujours voulu, mais n’avait jamais osé espérer.  

Maintenant, elle savait ce qu’elle allait faire de sa vie.

Et enfin rendre hommage à Feren, afin de mériter la vie qu’il lui a éviter de perdre.