Ma vie

Usui ! Ça suffit !

La mère du garçon lâcha le bras de son fils qui n’arrêtait pas de se débattre. Celui-ci tomba cul dans le sable, et se mit à pleurer à gros sanglots désespérés. Et pendant un instant, Akemi eut envie de pleurer aussi. Tout ça, c’était de sa faute.

Il n’y a pas si longtemps, son fils était encore un mignon petit aux beaux cheveux noirs, timide mais curieux de tout. Elle avait rencontré son père à un tournoi de Quidditch, et ils avaient passé une nuit ensemble. Une histoire sans lendemain avec un inconnu qui lui avait laissé le plus beau cadeau qu’on lui ait jamais fait. Elle l’avait recontacté quand elle avait appris qu’elle était enceinte, il n’avait rien voulu entendre. Tant pis pour cet idiot, il ne savait pas ce qu’il ratait. Quelques années plus tard, Usui apprendrait qui était son géniteur, lorsqu’il poserait la question à sa mère. Il ne ressentirait pas le besoin de contacter cet individu qui l’avait rayé de sa vie avant même qu’il ne naisse, mais c’est une autre histoire.
Il y a plusieurs mois, pour les six ans de son fils, elle était allée au lac avec lui et sa famille. Plongée dans une discussion passionnante avec ses parents, elle n’avait pas vu son fils s’était réveillé de sa petit sieste, et ne s’était rendue compte de sa disparition que trop tard, en l’entendant crier. Celui-ci était allé près de l’eau scintillante, et il s’était fait attrapé par Tenaga Baba, sourd aux avertissements de celle-ci. C’était son grand-père qui avait vu les cheveux noirs de Usui disparaître de la surface. Ils l’avaient récupéré tant bien que mal, mais l’enfant était déjà inconscient.
Usui était resté quelques semaines dans le coma, ses cheveux devenant peu à peu blancs, sans que les médicomages de l’hôpital de Kyoto ne puissent dire si c’était une réaction physique ou psychologique. Et lorsqu’il s’était réveillé, il ne parlait plus. Pas un mot. Pire, son adorable garçon curieux de tout était devenu incroyablement trouillard. Et ça c’était hors de question, surtout qu’il avait été choisi pour intégrer la célèbre école de Mahoutokoro !  

Alors Akemi avait décidé de prendre le dragon par les cornes et de l’emmener à la mer. Et elle ne partirait pas tant que son fils ne se serait pas baigner. Passant une main sur son visage, elle s’accroupit dans le sable pour se mettre à hauteur de son fils.

Je sais que tu as peur. Et moi aussi, j’ai eu très peur de te perdre. Mais tu ne peux pas rester sur une peur, tu dois la combattre sinon elle va t’empêcher de faire plein de choses.

Elle tendit les bras, et après un moment d’hésitation, Usui s’y nicha. Elle continua, essuyant ses joues pleine de larmes du dos de sa main.

Je suis désolée de ne pas avoir su te protéger, mais cette fois je serai avec toi jusqu’à ce que tu n’es plus peur d’accord ? Tu me fais confiance ?

Usui hocha la tête, et passa ses petits bras autour de son cou. Elle se redressa, et tenant bien son fils contre elle, elle entra dans l’eau. Lentement, elle s’enfonça dans la mer. Son fils blottit sa tête dans son cou en sentant l’eau lui touchait la peau, avant d’oser regarder quand Akema lui demanda doucement :

C’est beau non ?

Usui regarda alors, un petit coup d’œil d’abord, avant d’être absorbé par la mer qui au loin ne faisait plus qu’un avec le ciel. Il finit par acquiesçer encore, au bout de longues secondes, et battit même timidement des pieds dedans. Prend-toi ça Tenaga Baba.


Pourquoi joues-tu au Quidditch ?

La question était sortie toute seule de la bouche du coach de Mahoutokoro. A la fin de chaque entraînement, il demandait à un des joueurs de porter la malle contenant les 4 balles avec jusqu’à la salle de rangement. Il aurait pu le faire seul, en faisant voler la malle, mais cela ne leur aurait pas appris le respect qu’ils devaient au matériel. Et puis, il aimait ces occasions de parler seul à seul avec ses élèves.
Et aujourd’hui, c’était le tour d’Ishigami. D’ailleurs, il ne l’aurait pas cru capable de soulever la malle, vu son gabarit de crevette, mais l’attrapeureuse l’avait fait sans rien laisser paraître d’autre qu’un froncement de sourcils. Et fidèle à son habitude, iel n’avait pas décroché un seul mot, se contentant de le fixer de ses grands yeux sombres bien trop sérieux pour son âge, et ça avait fini par le mettre plutôt mal à l’aise, suffisamment pour qu’il rompe le silence de lui-même.
Toutefois, la question était sincère. Il n’avait rien à reprocher à sa façon de jouer, au contraire. Sa petite taille, qui le rendait agile et plus difficile à viser par les Cognards, et sa vivacité d’esprit et de réaction étaient des atouts certains. Ce qui n’était pas étonnant, sa mère étant elle-même très douée. Dommage qu’elle est laissé tombée son poste de gardienne de l’équipe d’Osaka à la naissance de son enfant.
Mais il ne sentait pas la flamme de la passion du sport animer son cœur. Le coach était prêt à parier sa paye du mois qu’Usui s’y était mis pour faire plaisir à sa mère. Mais alors qu’il ne s’était pas attendu à ce que son élève lui répondre, iel le fit d’une voix claire :

J’aime bien voler, senseï.


Tu es sûr de toi, Usui-san ?

La jeune personne en face d’elle hocha la tête. Tout son corps semblait être  devenu un bloc de détermination. Un bloc de détermination de 1m58 certes, mais un bloc de détermination quand même. La directrice soupira, avant de secouer la tête en souriant.

Je ne peux rien refuser à mes précieux élèves lorsqu’ils me regardent comme ça.

Et elle n’avait aucune raison de lui refuser le droit de faire sa douzième année à Uagadou. Comme le rappelait à chaque coup d’oeil son manteau doré, Ishigami était le meilleur élève de son école, ce qui n’est pas rien lorsqu’on connaissait la réputation mondiale d’excellence de son école, et sa passion pour l’astronomie avait toujours été sincère, dès ses premières années. Un garçon studieux, qui n’avait jamais posé de problème à qui que ce soit, et qui s’était investi autant dans ses études que dans les clubs de Quidditch et de Chanoyu auquel il appartenait.
Pourtant, Ichiko de Hitachi ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour son élève, et ça depuis la première fois qu’elle l’avait rencontrer, minuscule enfant mutique perdu sous une masse de cheveux. A l’époque, Ishigami n’avait pas encore cette habitude de les maintenir en chignon avec sa baguette magique. Iel n’avait pas tant changer dans le fond. Son mutisme n’avait pas totalement disparu, même si maintenant elle n’était pas sûre qu’il soit toujours involontaire, et iel n’avait jamais vraiment eu l’air d’avoir envie de se mêler aux autres élèves plus que nécessité des rapports cordiaux entre camarades. Ce qui était sans doute déjà un grand progrès quand on voyait le petit être associable qu’iel était lors de sa première rentrée.
Mais si ce genre de comportements pouvait être accepté au sein d’un pays tel que le Japon, cela ne serait peut-être pas le cas au sein d’une école aussi… exubérante que l’école de magie africaine. Non, elle ne pouvait s’empêcher de se faire du soucis pour Ishigami. Pourtant, la directrice lui tendit sa lettre de recommandation, après y avoir apposé son sceau.

Envoie ta demande dès demain.

La princesse impériale sourit de nouveau en voyant son élève s’incliner profondément devant elle, avant qu’iel ne quitte la salle. Elle se rappelait que la première fois qu’Usui-san était venu.e ici, s’était avec son chaton dans les bras, et ça avait été très dur de lui faire comprendre que non, iel ne pouvait pas l’emmener partout, et surtout pas en classe !


Il n’y pas autre chose que tu as envie de faire, pour ton dernier jour ?

Non pas qu’Akemi était mécontente que son enfant l’aide à préparer ses potions, mais en voyant Usui en train de mélanger une potion pour la repousse des cheveux, toussotant à cause de la fumée qui s’en dégageait, elle se disait qu’il y avait tout de même de meilleurs façons de passer son dernier jour de vacance. Usui secoua la tête en signe de dénégation, avant de paraître songeureuse quelques secondes. Iel finit par admettre, avec sa petite moue gênée qui la faisait imanquablement craquer à chaque fois :

J’aimerai qu’on aille manger du Yuba sur le mont Hiei ce soir.

Sa mère éclata de rire, et s’approcha par-derrière pour entourer ses épaules de ses bras en un gros câlin. Usui endura stoïquement l’épreuve, ne s’arrêtant pas de mélanger, tandis que Yoru, qui de mignon petit chaton était devenu un gros chat nonchalant, quitta la chaleur du feu pour venir se frotter contre eux. Ça la fit rire, et elle lâcha son enfant pour se penchant caresser la tête du félin.

Je vais t’en préparer des bocaux entiers !

Sur ses mots, elle quitta la pièce, certaine d’avoir vu Usui esquissait un léger sourire. Akemi se sentait triste de voir son enfant encore partir loin d’elle pour de longues années. Elle avait espéré qu’après Uagadou, Usui serait enfin resté près d’elle, et voilà qu’il partait pour cinq longues années encore plus loin, en Angleterre. Mais son enfant était revenu.e des étoiles plein les yeux de son échange scolaire, décrivant avec un enthousiasme qui lui était rare la pureté des ciels africains, la complexité stimulante de l'alchimie, et la richesse de la bibliothèque de la très ancienne école, et elle sut que rien ne l’empêcherait de partir passer LAMA et MASTER. Usui avait toujours aimé étudier, apprendre, comprendre la magie, à tel point qu’elle et la directrice avaient dû bataillés fermes pour qu’iel ne prenne pas trop de cours pour troisième cycle. Mais son enfant avait toujours fini par lui revenir, et iel aimait beaucoup l’aider à la boutique pendant les vacances, alors, elle était prête à attendre encore un peu. Elle espérait tout de même pouvoir regarder un de ses matchs à Poudlard un jour, Usui lui ayant fait part de son désir de retrouver une place d'attrapeur là-bas. Elle nota dans son carnet l'idée d'envoyer une lettre à la directrice Mac Gonagall pour lui demander, avant de se mettre aux fourneaux. Elle n'avait pas parlé à la légère à propos de ses bocaux !