La pire psychologue de la place
Sheireen s’était rendue à l’étage des salles de réception afin d’afficher l’annonce de son nouveau Club de Lecture sur le babillard qui s’y trouvait, et ce avec toute l’angoisse du monde. Mais qu’est-ce qui lui avait pris au juste de se forcer à socialiser de façon aussi importante? Avec un peu de chance, ça n’intéresserait personne et elle n’aurait pas à s'imposer à changer sa petite routine bien établie. Enfin, même si les réunions allaient se dérouler dans la bibliothèque et non dans les locaux du cinquième étage habituellement réservés à cet effet, elle avait quand même cru bon de publiciser le truc au bon endroit, là où les élèves venaient généralement s’informer de ce qui se déroulait dans l’école.
Les lieux semblaient passablement déserts, et la bibliothécaire en était plutôt soulagée, pas besoin de faire la conversation à personne, pas à justifier pourquoi elle se trouvait si loin de «son domaine». C’est qu’on voyait rarement la belle brune en dehors de la bibliothèque, outre pour quelques repas de temps à autre, et encore! Ce n’était que pour faire poli. Alors qu’elle se dirigeait d’un pas pressé vers les escaliers pour retourner à l’étage du dessous, Sheireen passa devant la porte d’une salle de réception légèrement entrouverte, de laquelle lui parvenaient des pleurs. Lestrange se figea sur le pas de la porte, pesant le pour et le contre d’intervenir. En tant que membre du personnel, elle se devait d’au moins s’assurer que la personne n’était pas blessée ou en détresse psychologique, c’était son devoir moral, même si la perspective de devoir consoler la peine de quiconque lui pesait déjà, elle qui savait si mal comment se réconforter elle-même! Dans l’idéal, si elle pouvait juste trouver un étudiant blessé, et l’emmener à l’infirmerie pour s’éclipser aussitôt, voilà qui serait simple et ne la ferait pas fondre d’inconfort elle aussi!
Prenant une profonde inspiration pour se donner du courage (ce dont elle n’a jamais été pourvue de sa vie), Sheireen pousse doucement la porte, avance dans la pièce de son pas de souris si léger qu’elle n’est probablement pas entendue. Ce sont les résultats du métier de bibliothécaire de ne jamais faire de bruit où qu’elle aille! La pièce est sombre, aucune fenêtre ne mène à l’extérieur et les bougeoirs sont tous éteints, si bien que Lestrange tire sa baguette de sa poche pour s’éclairer afin de pouvoir détailler la silhouette qu’elle perçoit difficilement.
-Lumos… chuchote-t-elle en sachant qu’ainsi, l’autre la repérera aussi, et s’étonnera sûrement de ne pas l’avoir entendue entrer avant.
C’est une étudiante du cursus universitaire, bien que Sheireen aurait été bien à mal de se souvenir de son nom ou de son niveau. Sa mémoire des livres ne lui permet que d’affirmer qu’elle suit les cours de Sort & Magie Avancés, et ce seulement pour l’avoir déjà vu le nez dans certains de ces nouveaux bouquins pour les étudiants de ce domaine à la bibliothèque. Pour le reste, ses compétences sociales sont trop faibles pour qu’elle enregistre mentalement les informations personnelles des élèves, tout est consigné de façon magique dans leurs dossiers et elle oublie les détails aussitôt. Oh, et c’est une préfète, mais elle ne le sait que grâce au badge qui trône sur sa robe.
L’élève, à peine adulte donc, a le visage ruisselant de larmes. La bibliothécaire sent déjà ses jambes devenir molles. Qu’est-ce qu’elle pourrait bien lui dire? Elle est probablement la pire psychologue en ces lieux… OH! Mais voilà justement ce qu’il manque à Poudlard pour compléter le personnel… UN PUTAIN DE PSYCHOLOGUE! Avec tout ce que vivent ces gamins (et adultes), ça ne ferait certainement pas de tort!
-M… mademoiselle? hésite Sheireen en balayant la place du regard pour confirmer qu’elles étaient seules et constater qu’il n’y avait pas de traces de bagarre nulle part. Qu’est-ce qui se passe? Êtes-vous blessée?
Ça avait été terriblement difficile de cacher l’espoir dans sa voix. Quel genre de monstre pouvait-elle être pour préférer trouver une étudiante blessée qu’en chagrin d’amour ou elle ne savait trop quoi d’autre?